Entretien exclusif avec Joëlle Pineau sur l’IA chez Meta

Entretien exclusif avec Joëlle Pineau sur l’IA chez Meta
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Dans une époque où l’intelligence artificielle (IA) progresse à une vitesse fulgurante, comprendre les enjeux de cette technologie devient crucial. Dans cet entretien exclusif, Joëlle Pineau, directrice des laboratoires de recherche fondamentale en IA de Meta, nous offre un aperçu des défis et des perspectives liés à l’IA, en particulier dans le contexte européen. Abordant des thèmes aussi variés que la régulation, la transparence et l’innovation, cet échange promet d’éclairer les lecteurs sur la complexité de ce domaine en pleine mutation.

La régulation de l’IA : un défi européen

Lors de cette rencontre, Joëlle Pineau s’est exprimée sur l’interdiction récente pour Meta de déployer ses services d’IA générative en Europe. Cette mesure, imposée par l’Union Européenne (UE), soulève de nombreuses questions sur l’impact de la régulation sur l’innovation et le développement des technologies d’IA.

Joëlle Pineau : “Mon expertise, c’est vraiment le développement des modèles, et je m’appuie sur tous mes collaborateurs qui ont une compréhension beaucoup plus fine des questions de régulation. Il y a des choix à faire, et c’est normal que chaque société se positionne par rapport à ces choix-là. Parce que si l’intelligence artificielle bouge rapidement et que ça pose toutes sortes d’enjeux, nous essayons de comprendre les enjeux le mieux et le plus rapidement possible. Cet effort de rendre la recherche ouverte, disponible pour tous, c’est un des ingrédients pour nous permettre de mieux savoir comment doser.

Évidemment, nous voulons protéger la vie privée des gens. Évidemment, nous voulons des modèles qui soient développés de façon responsable. Nous voulons aussi favoriser l’innovation. Il y a énormément de bénéfices sociaux et économiques qui vont être dérivés de l’intelligence artificielle.

Il ne faut pas non plus fermer la porte sur la façon dont nous nous positionnons par rapport à toutes ces questions-là. C’est là qu’il faut trouver le juste milieu. Mon cheval de bataille, c’est la transparence et la disponibilité des modèles parce qu’avec plus de transparence, nous pouvons mieux informer ce débat-là. C’est un débat de société. Ce n’est pas seulement un débat à avoir entre les gouvernements et les grosses entreprises.”

Impact des nouvelles réglementations européennes sur l’innovation

Face à ces nouvelles réglementations, une question cruciale se pose : l’UE est-elle en train de brider, voire de stopper l’innovation en matière d’IA ? Joëlle Pineau nuance cette affirmation tout en soulignant les défis que ces restrictions imposent aux entreprises technologiques.

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Joëlle Pineau : “C’est un peu fort de l’exprimer comme ça, mais je pense que lorsqu’on limite la disponibilité des modèles, cela peut limiter l’innovation. C’est une question qui appartient à l’Europe, elle fait ses propres choix. Nous allons évidemment respecter les règles en vigueur dans toutes les géographies où nous opérons. Toutefois, c’est plus facile de sortir certains produits rapidement aux États-Unis aujourd’hui.”

L’avenir des produits IA : différents selon les régions ?

Si les lois évoluent différemment d’un continent à l’autre, cela pourrait-il mener à un développement distinct des produits en fonction des régions ? Joëlle Pineau envisage cette possibilité avec pragmatisme.

Joëlle Pineau : “Je pense que oui, c’est définitivement ce qu’il faut envisager, en fonction de comment les lois vont évoluer.”

L’approche open science de Meta

Meta prône une approche “open science”, mais les modèles open source ne génèrent pas toujours des profits. Comment Meta concilie-t-elle cette philosophie avec ses objectifs commerciaux ?

Joëlle Pineau : “Nous réévaluons en permanence notre position pour plusieurs raisons. D’une part, il y a toute une discussion au sujet des modèles que nous appelons les ‘frontier models’. Il faut savoir qu’il y a toutes sortes d’exigences qui sont sujettes à l’étude actuellement. Notre position à ce sujet est basée sur l’analyse des risques potentiels de ces modèles-là. Cela nous est déjà arrivé de ne pas sortir certains modèles en mode ouvert parce que nous trouvions que les risques étaient trop importants, notamment des modèles qui font de la synthèse vocale, qui sont capables de reproduire la voix de quelqu’un et qui peuvent être utilisés pour des cas d’abus.

Notre position est toujours réévaluée avec chaque sortie. Chacun des modèles que nous partageons aujourd’hui a été évalué pour s’assurer qu’il n’y avait pas de risque ou que les risques étaient bien compris. C’est quelque chose que nous continuerons à faire. L’entreprise va bien, nous avons toutes sortes d’autres façons de faire des profits qui assurent la viabilité financière de l’entreprise. Nous n’avons pas nécessairement besoin de nous appuyer sur une commercialisation de ces modèles, il faut se rappeler que nous sommes au tout début de la commercialisation de l’IA.

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Il y a énormément à apprendre sur comment bien faire les choses au niveau du développement des modèles et au niveau de la responsabilité. Notre approche ouverte nous permet d’apprendre beaucoup plus rapidement, notamment d’appeler à contribution les chercheurs et de collaborer avec eux pour assurer un développement responsable, sécurisé et rapide de cette technologie.”

Conclusion : un équilibre à trouver

Cet entretien avec Joëlle Pineau met en lumière les défis et les opportunités que l’IA représente pour Meta et pour le secteur technologique en général. La transparence et la disponibilité des modèles restent au cœur de la stratégie de Meta, tout en naviguant dans un paysage réglementaire complexe. La régulation, si elle est bien dosée, pourrait devenir un catalyseur pour une innovation responsable et durable.

Joëlle Pineau nous rappelle que la transparence et la collaboration sont essentielles pour avancer dans ce domaine prometteur. Le débat sur l’avenir de l’IA est avant tout un débat de société, et il est crucial que toutes les parties prenantes, des gouvernements aux entreprises, en passant par les chercheurs et les citoyens, y participent activement.

En fin de compte, l’innovation en IA doit trouver un juste milieu entre avancées technologiques, respect des réglementations et bénéfices pour la société. L’approche ouverte de Meta, combinée à une réflexion constante sur les risques et les opportunités, pourrait bien être la clé pour relever ce défi.

Dans un monde où l’IA transforme nos vies à un rythme effréné, cet entretien exclusif avec Joëlle Pineau offre une perspective précieuse sur les enjeux et les défis de cette technologie. La transparence et la disponibilité des modèles, prônées par Meta, pourraient bien être la clé pour naviguer dans ce paysage complexe et en constante évolution.

FAQ

### Que pensez-vous de l’interdiction par l’UE de laisser Meta entraîner ses modèles sur les données des Européens, et par conséquent d’y déployer ses services d’IA générative ?

Mon expertise réside dans le développement des modèles, et je m’appuie sur mes collègues qui comprennent mieux les questions de régulation. Il est normal que chaque société se positionne sur ces choix. L’intelligence artificielle évolue rapidement et soulève divers enjeux, et nous essayons de les comprendre le mieux et le plus vite possible. La transparence et la disponibilité des modèles sont essentielles pour informer ce débat de société et trouver un juste milieu entre la protection de la vie privée, le développement responsable et l’innovation.

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### Pensez-vous que l’UE est en train de brider l’innovation en matière d’IA avec ses nouvelles réglementations ?

Dire que l’UE bride l’innovation est un peu fort, mais limiter la disponibilité des modèles peut effectivement restreindre l’innovation. L’Europe fait ses propres choix et nous respectons les règles en vigueur. Cependant, il est actuellement plus facile de lancer certains produits aux États-Unis.

### Croyez-vous que certains produits ne sortiront qu’aux États-Unis et d’autres uniquement en Europe à cause des différences de réglementation ?

Oui, cela est une possibilité à envisager en fonction de l’évolution des lois. Les différences de réglementation pourraient mener à des produits spécifiques pour chaque région.

### Meta pourrait-elle changer d’avis concernant l’approche “open science”, sachant que les modèles open source ne génèrent pas beaucoup de profits ?

Nous réévaluons constamment notre position. Les modèles que nous appelons “frontier models” sont soumis à des exigences spécifiques et des analyses de risques. Nous avons déjà décidé de ne pas publier certains modèles en mode ouvert à cause de risques élevés. Chaque modèle partagé est évalué pour s’assurer qu’il n’y a pas de risque ou que ceux-ci sont bien compris. L’entreprise se porte bien et nous avons d’autres sources de profit, donc nous n’avons pas besoin de commercialiser ces modèles immédiatement. Notre approche ouverte nous permet d’apprendre rapidement et de collaborer avec les chercheurs pour un développement responsable et sécurisé.

### Quels sont les principaux avantages de l’approche ouverte de Meta en matière de développement de l’IA ?

L’approche ouverte de Meta permet d’accélérer l’apprentissage et l’innovation en appelant à la contribution des chercheurs du monde entier. Cela facilite un développement responsable et sécurisé de la technologie, tout en favorisant la transparence et l’évaluation des risques potentiels. Cette collaboration ouverte permet de mieux comprendre et gérer les défis liés à l’IA.